Dormir et peut-être gagner
Les yeux grands ouverts, on fixe le cadran, notre cœur bat la chamade, on gigote, on se retourne, on s’inquiète de ne pas dormir... le calvaire! Un sommeil perturbé la veille d’une importante course est déconcertant pour tout athlète. Alors que l’expérience elle-même peut s’avérer troublante, ce qui est plus important quand on parle de sommeil, c’est la qualité et la durée à long terme.
Selon la Dre Amy Bender, une chercheuse universitaire postdoctorale à la University of Calgary et le Centre for Sleep and Human Performance, il est peu probable que la perte de quelques heures de sommeil avant une compétition influence les performances. C’est plutôt le manque persistant de sommeil adéquat durant une période d’entraînement ou une saison complète qui peut avoir un impact négatif sur un athlète. « Le manque chronique de sommeil est la principale préoccupation, et nous tentons de le gérer tout au long d’une saison », explique-t-elle.
« Des recherches en cours indiquent qu’il y a une association entre les performances et la durée et la qualité du sommeil », affirme la Dre Bender. Les études soutiennent le lien entre le sommeil et les performances. Cependant, il est difficile de contrôler toutes les variables, car on peut attribuer les améliorations de la performance à d’autres facteurs, dont la pratique.
Jess Kryski, physiologue du sport de l’ICS de Calgary pour les équipes de ski de fond et de biathlon du Canada, a remarqué un lien potentiel entre le sommeil et les performances de ses athlètes. Dans un cas, deux athlètes ont vécu des périodes de qualité et de quantité de sommeil réduites durant la saison de course. « Leurs performances n’étaient pas bonnes, et même si nous ne pouvons l’attribuer uniquement aux problèmes de sommeil, ceux-ci ont certainement joué un rôle », note Mme Kryski.
Le manque de récupération à la suite d’entraînements et de courses en raison d’un manque de sommeil pose des défis. D’après l’expérience de Mme Kryski, pour certains athlètes souffrant de périodes de sommeil trouble, la modification même importante de leur entraînement n’a pas réussi à régler le problème comme elle l’aurait voulu, car la récupération nécessaire n’était simplement pas au rendez-vous.
De plus, selon Mme Kryski, « en travaillant avec les équipes et en utilisant les outils de surveillance à notre disposition au fil des ans, on a constaté que lorsque l’entraînement ou la compétition ne vont pas bien, la qualité et la durée du sommeil ont tendance à être réduites ».
Dre Bender est l’enquêteuse principale de plusieurs études en cours se penchant sur le sommeil et sa relation avec la récupération et les performances des athlètes de l’ICS de Calgary. Elle collabore avec des athlètes et des équipes partout au pays afin d’évaluer le sommeil de base et l’impact de stratégies d’optimisation du sommeil. De plus, Dre Bender travaille avec des équipes afin de mettre en œuvre des stratégies de gestion des symptômes du décalage horaire composées d’un plan de voyage comportant des volets à la fois préalable et à destination.
À l’aide du questionnaire d’évaluation du sommeil des athlètes et d’un moniteur d’activité porté au poignet, Dre Bender évalue les habitudes et les tendances de veille et de sommeil types. L’athlète mettra alors des stratégies d’optimisation du sommeil en œuvre, par exemple l’augmentation du sommeil nocturne, les siestes et la réduction de l’exposition à la lumière bleue avant d’aller se coucher.
Enfin, elle évaluera le sommeil de l’athlète durant la période d’optimisation et le comparera au sommeil de base. Alors que la durée du sommeil est généralement mesurée à l’aide du moniteur d’activité porté au poignet, la qualité du sommeil est une mesure principalement subjective qu’on recueille à l’aide de questionnaires. Des données sont en cours d’analyse, et selon les résultats préliminaires, on signale la réduction de la fatigue et l’amélioration de l’humeur, ainsi que l’augmentation de la satisfaction à l’égard de la qualité du sommeil durant la période d’optimisation par rapport à la période de base.
Une des habitudes que les athlètes ont le plus de difficulté à modifier, c’est l’exposition à la lumière bleue émanant d’appareils électroniques durant les heures avant d’aller au lit, qui peut nuire au sommeil. « La lumière bleue indique à notre cerveau de se réveiller, ce qui peut influencer le temps requis pour s’endormir et les périodes d’éveil durant la nuit, explique Dre Bender. Elle réduit la sécrétion de mélatonine, l’hormone qui cause la somnolence le soir. »
Lors de la période d’optimisation du sommeil, on demande aux athlètes de porter des lunettes qui bloquent 99 % de la lumière bleue émanant des écrans. Elles peuvent réduire les effets négatifs sur le sommeil pour les athlètes exposés à des écrans dans les deux heures avant de se coucher.
Au bout du compte, l’objectif des recherches de la Dre Bender consiste à améliorer les performances au moyen d’un meilleur sommeil. Il s’agit d’une autre pièce du casse-tête pour permettre aux athlètes d’atteindre leur plein potentiel sportif. Dormir et peut-être gagner!
Institut canadien du sport de Calgary : @csicalgary
Rédigé par Kristina Groves: @kngrover
Photo de Dave Holland: @CSICalgaryPhoto
26/10/16